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Les Fours De Gresse

L'alimentation des paysans de l'Alpe à l'époque moderne

Epoque_moderne___les_gens_de_l_alpe___version_longue

 

A partir d'objets exposés au musée Dauphinois de Grenoble et de nombreux ouvrage, cette page et le dossier en pièce jointe (version plus complète) présentent la vie et l’alimentation des paysans de l’Alpe à l’époque moderne (entre le XVe et le XIXe siècle) d’une façon générale, ainsi que la place du pain dans cette alimentation. Cette étude s'apuie sur les objets et leur utilisation.

Il existe des traces d’habitat dans les montagnes des Alpes depuis la préhistoire. Les premières traces d’habitat dans les massifs des pré-Alpes remontent au Paléolithique moyen. L’Age de Bronze correspond aux premiers peuplements permanents en  moyenne montagne.

Les transformations du XIe au XIVe siècle ont façonné les paysages alpins et le peuplement tels qu’ils ont existés jusqu’à la fin du XIXe moyennant les changement apportés à l’époque moderne par l’essor de l’élevage commercial, l’introduction de la pomme de terre et les prémices du tourisme.

Les maisons sont regroupées en hameaux autour de terres fertiles, ce qui permet la mise en place d’une organisation collective autour de l’exploitation des terres et de la gestion des animaux. Autour du village, à faible distance, on trouve les potagers (avec des lentilles, raves, navets, pois, puis des pommes de terre depuis le milieu du XVIIIe), plus loin les champs de céréales (seigle, orge ou avoine) ensuite les champs de fauche irrigués qui serviront à produire le fourrage pour l’hiver, plus loin les zones de foin de montagne, plus court mais très nutritif et ensuite, plus haut, l’alpe où les animaux vont l’été.

Les quatre saisons sont fortement marquées. Elles transforment le paysage de façon importante et imposent aux populations de se plier aux contraintes résultantes (cycle de croissance des végétaux, période de cueillette, de chasse, rythmes agricoles, émigration des hommes en hiver, etc.).

Le système alimentaire haut-alpin est caractérisé par ses contraintes environnementales et par la nécessité pour les habitants de développer une économie de subsistance basée sur la polyculture céréalière et l’élevage extensif.

Les céréales panifiables ne créent jamais l’abondance et doivent être complétées par la culture de légumes, châtaignes, et pommes de terre au XIXe siècle. Les légumes secs (lentilles, fèves, pois) sont considérés comme de vraies céréales supplétives, et sont source de protéines à bon marché.

Si la population produit la majorité des denrées alimentaires qui entrent dans son alimentation, elle ne les consomme pas entièrement car une partie est vendue, et inversement, les habitants sont contraints d’acheter les aliments qu’ils ne peuvent produire eux-mêmes, ou qu’ils produisent en quantités insuffisantes.

Le choix des paysans montagnards de développer conjointement l’agriculture et l’élevage s'explique aisément par la nécessité où se trouvait celui-ci de produire sur place tout ce dont il avait besoin, et par la précarité de l’agriculture de montagne où les catastrophes climatiques n’étaient pas rares.

L’autosuffisance, gage de sécurité, leur semble un idéal, comme à tous les montagnards. C’est le refus de choisir entre élevage et céréaliculture qui a guidé la manière dont les paysans des Alpes ont façonné et exploité leur terroir.

Les traces matérielles de ces populations aujourd’hui en notre possession datent principalement des XVIIe, XVIIIe, et XIXe siècle. Le début du XXe siècle marque la fin de ce mode de vie traditionnel.

 

L’hiver est la saison privilégiée pour le travail du bois. Les hommes fabriquent des outils, mais aussi les gravent, les décorent.

Tous les objets produits sont faits pour être utiles, mais ont aussi vocation à être offerts, pour sceller l’amitié, l’amour, ou renforcer des liens familiaux.

On imagine généralement que tous les paysans des Alpes passaient leurs soirées d'hiver à travailler le bois mais des listes d'habitants montrent que dès le XVIIe siècle il existait dans toutes les communautés du nord des Hautes-Alpes des menuisiers ou fustiers. Le noyer, bois cher qui croissait dans le Guillestrois, l'Argentiérois et la Vallouise, était travaillé par des artisans spécialisés qui avaient appris des techniques savantes. Il est le plus souvent destiné aux meubles de la bourgeoisie. Le problème est différent en Queyras, en Briançonnais et en haute Romanche où dominent les bois résineux, meilleur marché.

 

Le coffin, dit aussi couyer est une sorte d’étui accroché à  la ceinture qui permet de garder la pierre à aiguiser la faux à portée de main et dans l’humidité voulue. Dans la région de Grenoble, la base est biseautée vers l’intérieur.  Le bout pointu de certains coffins permettait de les ficher dans la terre lors du repos du faucheur, évitant ainsi que l’eau ne se renverse. Un crochet situé au dos de l’objet, permettait de l’accrocher à la ceinture et de le transporter partout avec soi.

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Les coffres et arches à grains : A l’automne, il faut passer au fléau les céréales mises en gerbes aux champs et séchées au grenier afin d’en faire tomber les grains. Le grain poussiéreux est ensuite passé au « ventoir » afin de le purifier. Une partie du grain est immédiatement moulue en farine pour la fabrication du pain de l’automne et de l’hiver. Le reste est conservé dans des arches à grain ou des coffres pour être moulu au printemps. La paille du blé sert à nourrir les animaux durant l’hiver ou à rembourrer les matelas. Arche, utilisé dès le Moyen Age, est un générique, mais aux XVIIIe et XIXe siècles ce terme semble plutôt désigner les coffres-réserves, par opposition à l'escrin ou coffre à vêtements. Quant à la mayt, c'est un coffre à parois inclinées fixé sur un solide piètement, forme habituellement utilisée pour les pétrins et les saloirs, mais qui peut avoir d'autres fonctions.

Les coffres-armoires à grain, dont sont recensées différentes variantes dans le nord des Hautes-Alpes, n'ont pas de nom spécifique. On les appelait arche ou grenier comme les coffres à grain.  Tous les coffres-armoires du bassin du Guil ont la même structure. Ces meubles hauts, massifs (1 m de profondeur en moyenne, d’une contenance légèrement supérieure à deux mètres cubes) sont construits autour de six pieds-poteaux réunis deux à deux par des clés de bois. L'extrémité débordante du dessus incliné est moulurée. Dans le tiers supérieurde la façade, deux battants masquent une ou deux étagères. Les deux tiers inférieurs forment un coffre profond dont les planches de façade, coulissant dans les pieds-poteaux, peuvent être retirées une à une quand le niveau du grain baisse.

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Le pétrin, présent dans toutes les régions françaises, sert à faire la pâte à pain mais aussi de table de tous les jours.  Si sa forme varie peu, le pétrin Dauphinois présente quelques caractéristiques qui permettent de l’identifier : de ligne simple, sans sculpture ni mouluration, son coffre est important car le pain est cuit de deux à quatre fois par an du fait de la rareté du bois dans ces régions d’altitude. Le couvercle est débordant, et le coffre très évasé, ce qui permet de s’en servir de table, malgré le peu de place laissé aux jambes. Le plus souvent les pieds étaient droits et supportaient en dessous du coffre un tiroir.

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Les marques à pain : C’est en 1511 qu’une ordonnance de Louis XII impose le marquage du pain et elle fût renouvelée par François 1er en 1546. Dès lors marquer le pain c’est garantir le poids de la miche vendue. Durant les périodes de famine, les boulangers ne pouvaient donc pas diminuer le poids de leurs miches pour flouer leurs clients car les pains étaient marqués du nombre de livres qu'ils pesaient. Le seigneur savait ainsi quelle quantité de pains était cuite et par déduction, il pouvait comparer quantité de farine employée à la quantité de céréales récoltée, moulue et déclarée par ses habitants et ainsi savoir si ses gens l’avaient volé.

Dans les campagnes de France, le marquage du pain était soumis à des obligations supplémentaires. Le moulin et le four d’un village étaient banaux : ils appartenaient au seigneur des terres sur lesquelles ils étaient bâtis. Les paysans avaient obligation de moudre et de cuire dans ces installations, contre une taxe reversée à leur seigneur. Pour que chacun retrouve ses pains après la cuisson, chaque famille apposait sa marque ou les initiales du chef de famille sur la pâte. Le pain recevait ensuite un cachet religieux, composé de symboles et/ou de monogrammes. Pour compléter le marquage le boulanger apposait à son tour une marque sur tous les pains à cuire après en avoir vérifié le poids et la composition.

Toutes les variétés de pains restant relativement plates une fois cuites, la pâte levant peu, la marque apposée ne se craquelait pas à la cuisson, ce qui l’aurait rendue indéchiffrable.

 

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Le coupe-pain ou « taille-soupe » est un petit rabot muni d’un manche qui servait à tailler des tranches de pain dur dites « soupes », sur lesquelles on versait le potage, lors du repas des paysans. La soupe était le principal aliment des populations rurales à l’époque moderne. Elle était consommée quotidiennement. Composée de légumes divers, choux, raves, etc., on y ajoutait un peu de lait, et un morceau de lard salé. Cette soupe était appelée la « soupe di bastoun » qui veut dire la « soupe de bâton » car la cuillère y tenait debout.

La râpe à pain était utilisée pour faire des copeaux de pain, une sorte de chapelure, qui servait à épaissir le potage, lorsque le pain était trop dur pour être coupé. On la retrouve dans les zones de montagne où le pain n’était cuit que 2 à 4 fois l’année.

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